Joseph Jacotot - E U : Mathématiques (page 50 à 51)

Publié le par Joseph Jacotot

II.

-         Si vous le désirez, je vais vous raconter, de point en point, ce qui s’est passé à l’école normale. Figurez-vous des recrues assis sur des bancs, et bourdonnant tous à la fois : Calypso, Calypso ne, etc. ; deux mois après, ils savaient lire, écrire et compter.

-         Cela ne se peut pas.

-         Je l’ai vu et la commission aussi.

-         Oui, je me rappelle ce que j’ai entendu dire que plusieurs généraux sont allés vérifier ce premier résultat ; on ajoutait que le fondateur (comme vous l’appelez) avait écrit pour se plaindre de cette incartade.

-         Cela est vrai.

-         Mais, mon cher lieutenant, cela n’est pas croyable. Comment ! des généraux, dans l’exercice de leurs fonctions, exclus de l’école normale ! cette conduite n’est pas tolérable.

-         Cela ne me regarde pas, mon cher professeur.

-         On m’a dit qu’il donnait pour raison de ces lubies, qu’un fondateur n’a rien de commun avec des lieutenans généraux. Ces messieurs, ajoutait-il, en riant, feraient beaucoup mieux d’apprendre quelque chose et d’y rapporter tout le reste. Convenez que ce sont là de pauvres raisons. Si le fondateur était là au nom du Roi, ces messieurs avaient eu l’ordre de s’y rendre aussi ; qu’en dites-vous ?

-         Cela ne me regarde pas ; je dis que nos paysans savaient lire, écrire et compter au bout de deux mois.

-         On n’a pas publié ce résultat.

-         Cela ne me regarde pas, je vous dis ce que j’ai vu. Pendant cette éducation primaire, nous apprenions, l’un l’anglais, l’autre l’allemand, celui-ci la fortification, celui-là la chimie, etc. etc.

-         Est-ce que le fondateur sait tout cela ?

-         Pas du tout, mais nous le lui expliquions et je vous assure qu’il a joliment profité de l’école normale.

-         Mais, je m’y perds ; vous saviez donc tous la chimie ?

-         Non, mais nous l’apprenions et nous lui fesions la leçon ; voilà l’enseignement universel. C’est le disciple qui fait le maître.

-         Laissons cela, je n’y comprends rien. Dites-moi, connaissez-vous le rapport de M. Kinder ?

-         Oui.

-         Est-il exact ?

-         Très exact pour les faits.

-         Pourquoi n’a-t-on pas commencé à établir l’enseignement universel dans le civil ? Pourquoi n’a-t-on pas continué ?

-         Le fondateur n’a pas voulu.

-         Est-ce qu’il a une volonté ? le fondateur !

-         Une volonté ferme et inébranlable, quand il croit pouvoir faire le bien.

-         Mais il se trompe, votre fondateur ; s’il dit des injures, croyant faire des complimens. 

-   Cela ne me regarde pas. J’ai dit ce que j’ai vu : nos paysans savaient lire, écrire et compter au bout de deux mois ; ils lisaient, écrivaient et comptaient tant en français qu’en hollandais. A demain cher cousin. Je vais vous communiquer toutes les pièces dont vous m’avez parlé. Lisez-les et vous me les rendrez
A demain.

 

 

 
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